Censure et surveillance des journalistes : un business sans scrupules
A l’occasion de la journée mondiale contre la cyber-censure, Reporters sans frontières (RSF) publie son rapport Censure et surveillances des journalistes : un business sans scrupules. L’ONG y dénonce la soumission des géants du web face à des régimes répressifs au nom de l’intérêt économique et les nombreux cas de surveillance en ligne de journalistes. L’ONG plaide en faveur de mécanismes internationaux de régulation contraignants.
Le business est lucratif, mais douteux. Dans son rapport publié le 12 mars, RSF dénonce le vide juridique qui permet à des sociétés expertes en cyber-surveillance de fournir du matériel à des régimes, adeptes de la surveillance en ligne et de la censure. Le tout pour gagner de nouvelles parts de marchés. Les récentes révélations impliquant la société israélienne NSO et le journaliste d’investigation mexicain Rafael Cabrera pourraient bien mettre en lumière un abus de surveillance par les autorités mexicaines.
La surveillance en ligne constitue une grave atteinte à la liberté de la presse. Selon des révélations du Spiegel datant du 25 février, les services de renseignement extérieurs allemands (BND) ont espionné les journalistes de plusieurs médias étrangers, comme la BBC, le New York Times, et Reuters, et ce pendant des années.
Reporters sans frontières déplore aussi de nombreux signalements de posts Facebook et de tweets supprimés. En Turquie, Twitter a utilisé son outil de gestion locale des contenus interdisant l’accès à un compte ou à un tweet depuis une connexion turque. Le réseau social a appliqué assez vite des ordonnances après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet, en censurant pas moins d’une vingtaine de comptes de journalistes et de médias.
Facebook de son côté suscite des inquiétudes en raison de sa collaboration active avec certains Etats, de la suppression de contenus journalistiques et de sa politique opaque de “modération” des contenus. A titre d'exemple, la fan page du site d'informations ARA News a été bloquée en décembre dernier par Facebook, et ce pendant plusieurs jours, sans aucune explication. Ce média publie généralement des informations sur la Syrie, l'Irak, la Turquie et le Moyen-Orient.
#CollateralFreedom : cinq sites censurés dans leur pays débloqués par RSF
Afin de lutter contre la censure, RSF profite de cette journée mondiale pour poursuivre l’opération Collateral Freedom #3. L’objectif : rendre l’information en ligne accessible dans des pays dans lesquels elle est censurée et dissuader les Ennemis d’Internet de s’en prendre à des sites d’information. Après avoir débloqué 11 sites en 2015 et six autres en 2016, cinq nouveaux sites d’information censurés dans leur pays d’origine sont ainsi remis en ligne : Ozguruz (nouveau site du célèbre journaliste Can Dündar) en Turquie, Azathabar au Turkménistan, Meydan en Azerbaïdjan, Doha News au Qatar et Alqst en Arabie saoudite.
Cette opération repose sur la technique du mirroring : RSF met en ligne une copie conforme du site bloqué sur des services d’hébergement informatique en ligne tels que Fastly, Amazon, Microsoft ou Google. Dès lors, impossible pour les autorités de couper ces sites miroirs, puisque cela reviendrait à couper la connexion à ces géants du web. Couper l’accès à l’information expose donc ces Ennemis d’Internet à des dommages collatéraux, c’est ce que RSF leur rappelle à travers #CollateralFreedom.
Une extension pour le navigateur Chrome, mise en place en 2016, permet également aux internautes qui consultent un site censuré dans leur pays d’avoir accès aux versions miroirs mises en place par #CollateralFreedom. Quand ils se rendent sur l’un de ces sites bloqués, l’icône de l’application "RSF Censorship Detector" apparaît. Il suffit de cliquer sur elle pour être redirigé automatiquement vers la version libre déployée par RSF.
Pour maintenir les « sites miroirs » accessibles, RSF utilise une bande passante qui s’épuisera avec la fréquentation des sites. Chaque internaute est appelé à contribuer au financement de cette bande passante pour prolonger l’accès aux sites débloqués.
Pour plus d'informations : /fr/collateral-freedom
Vous pouvez contribuer à ce combat :
- en partageant cette information avec le hashtag #CollateralFreedom et en faisant connaître le travail de ces sites bloqués.
- en faisant un don afin que nous puissions financer la suite de cette opération.
Le Turkménistan, l’Azerbaïdjan, le Qatar, l’Arabie saoudite et la Turquie sont respectivement classés 178e, 163e, 117e, 165e, 151e (sur 180) dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2016.
Contacts presse :
Emilie Boulay / [email protected] / + 33 6 77 92 16 77